Il n’est pas toujours évident de trouver sa place face à la multiplication des aidants professionnels qui viennent prendre soin du proche à son domicile… Est-ce que l’aidant familial a son mot à dire sur les horaires, les manières d’interagir avec son proche ? Franck Guichet, sociologue spécialiste de l’accompagnement à domicile de la personne âgée ou en situation de handicap, propose des pistes pour mieux accepter la présence d’intervenants à son domicile.
Faire confiance aux intervenants à domicile
Franck Guichet est catégorique : "L’ingrédient fondamental d’une coopération réussie pour l’accompagnement d’une personne malade à domicile, c’est la confiance." Si l’aidant familial commence à vouloir tout contrôler, cela peut vite s’apparenter à de la suspicion. Et créer un potentiel danger : "Si le proche du malade impose des manières de faire alors que c’est l’aidant professionnel qui s’y connaît, cela peut devenir dangereux et causer des accidents." D’autant que le climat de confiance agit dans les deux sens et permettra aussi à l’aidant professionnel de se montrer à l’écoute, car personne ne connaît mieux son proche que l’aidant familial. L’aidant familial, après s’être impliqué fortement auprès de son proche, a souvent besoin que son « expertise » lui soit reconnue et que l’aide apportée par un professionnel soit pensée avec lui.
Différents degrés d’intrusion des intervenants à domicile
Entre les actes de soins infirmiers et l’accompagnement dans les actes de la vie quotidienne , la différence est grande. L’infirmière qui vient une fois tous les deux jours et ne reste que dix minutes sera souvent bien moins perçue comme intrusive que l’ auxiliaire de vie qui est là deux à trois heures quotidiennement et qui vient faire quelque chose (préparer le repas, laver…) que le conjoint pense pouvoir assumer. "En fonction du format, de la durée et du contenu, cela majore le phénomène d’intrusion, note Franck Guichet. Mais les intervenants à domicile sont de mieux en mieux sensibilisés. Par exemple, certains demandent consciencieusement où ils peuvent poser leur manteau ou leur sac sans gêner."
Ne pas du tout s’en mêler, une autre possibilité
Cela peut paraître paradoxal, mais le proche du malade peut aussi adopter une attitude où il n’interviendra absolument pas, quitte à ne pas saluer les infirmières ou les aides ménagères à domicile qui viennent s’occuper de son conjoint malade. Franck Guichet a déjà rencontré cette situation personnellement : "Je connais un homme d’une quarantaine d’année qui est tétraplégique et qui travaille. Il est marié, il a un enfant. Chaque matin, durant une heure, les aides soignantes viennent l’aider à se laver, s’habiller et manger avant qu’il ne parte travailler. Son épouse ne veut pas les voir car elle estime qu’elles représentent le handicap de son mari. Pour ces professionnelles, elle est dans le déni. Pour moi, non, elle veut juste continuer à voir son époux pour ce qu’il est, c'est-à-dire son mari. Et non pas comme une personne atteinte de handicap." Sans aller aussi loin, il est aussi possible pour éviter de se sentir « envahi » de prévoir ses sorties sur les heures de venue de l’aide à domicile.
Ma philosophie
Plutôt que de la percevoir comme une intrusion dans sa vie privée, l’aidant familial doit voir l'intervenant à domicile comme son allié. « Le professionnel peut apporter tout un tas de propositions pour améliorer la qualité de vie, abonde le sociologue. Par exemple, comment aider un proche malade sans se faire mal. De nombreuses épaules luxées ou des vertèbres déplacées pourraient être évitées si les proches écoutaient les professionnels. » Franck Guichet estime aussi que « le but des interventions à domicile est également de préserver et de prendre soin des relations. » L’aide à domicile apporte un relais à l’aidant familial, qui peut souffler et prendre un peu de temps pour lui. L’objectif est de soulager la relation de certaines tâches du quotidien, afin qu’elle puisse retrouver un peu de légèreté.