Un homme atteint d'Alzheimer dessine son reflet

Alzheimer : gérer les troubles du comportement de son proche

Conseils d'une neuropsychologue pour comprendre et gérer les changements d'humeur d'un proche atteint d'Alzheimer.


Agressivité, changement de comportements, questions à répétition... Conseils d'une neuropsychologue pour comprendre et gérer les changements d'humeur d'un proche atteint d'Alzheimer.

Je suis Bénédicte Défontaines, neurologue (spécialiste du cerveau), et je m’intéresse particulièrement à la neuropsychologie, c’est-à dire à l’étude des fonctions intellectuelles comme la mémoire, le langage, le raisonnement, le jugement dans leurs rapports avec les structures du cerveau.

Des changements d'humeur avec agressivité et irritabilité

Lorsque je reçois en consultation des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, ils sont souvent accompagnés de leur(s) aidant(s). Ces derniers me questionnent alors sur des situations qu’ils vivent au quotidien et auxquelles ils ont du mal à faire face. Beaucoup d’entre eux se sentent désemparés et impuissants lorsqu’ils constatent que leur proche malade change de comportement et devient irritable ou agressif. Il est possible d’agir face à ce type de situations quotidiennes. En tant que neurologue, j’essaye d’apporter un éclairage médical aux aidants, en leur apportant les clés pour comprendre et mieux réagir face aux troubles du comportement de leur proche.

La colère souvent liée à une douleur qu'ils ne peuvent exprimer

La maladie d’Alzheimer évolue en trois phases (légère, modérée et sévère). Au cours de cette évolution, le langage et la mémoire se désintègrent progressivement et compliquent la communication entre le patient et l’aidant.

Un jour, un aidant me raconte qu’il arrive de moins en moins à communiquer avec son proche atteint de la maladie d’Alzheimer. Ce dernier se montre régulièrement agressif et irritable, sans pour autant exprimer les raisons de sa colère. Au bout d’un certain temps, l’aidant comprend que son proche souffre de douleurs aux dents et que son agressivité provient de cette douleur. Une fois la douleur soignée, la personne retrouve un comportement normal. L’aidant réalise que la mauvaise humeur de son proche provient d’une incapacité à trouver ses mots et donc à exprimer sa douleur, alors même que le problème aurait pu être réglé facilement par la prise d’un antalgique par exemple. L’aidant me confie qu’il peine à garder son calme et sa bonne humeur face à ce type de situations quotidiennes qui, peu à peu, détériorent ses relations avec son proche. Cette situation témoigne bien des mécanismes comportementaux des personnes atteintes d’Alzheimer.

Parce qu’elles ne trouvent pas les mots pour exprimer leur ressenti ou leur douleur, elles peuvent devenir agressives. L’aidant, de son côté, souvent fatigué par la situation, perd patience et ne comprend pas la mauvaise humeur de son proche et peut à son tour devenir désagréable. Face à une telle situation, quelques éclairages sur la maladie d’Alzheimer permettent à l’aidant de prendre du recul pour mieux vivre les situations du quotidien et ainsi accompagner au mieux son proche.

Adopter une philosophie positive et optimiste

"Dans la vie quotidienne, il est primordial que l’aidant adopte une philosophie positive et optimiste, en gardant à l’esprit qu’une personne atteinte d’Alzheimer peut être heureuse avec sa maladie.

Connaitre les fonctions cognitives qui seront préservées

En consultation, j’essaye de conseiller l’aidant en lui apportant des éclairages médicaux. Par exemple, il est important de garder à l’esprit que la maladie d’Alzheimer affecte certaines fonctions cognitives, comme la mémoire ou le langage, mais en préserve d’autres. Connaître les fonctions cognitives qui sont préservées permettent ainsi à l’aidant de mieux accompagner son proche. Dans la maladie d’Alzheimer, les neurones miroirs sont préservés.

Adopter un visage souriant

Ce sont les neurones qui permettent à l’enfant d’imiter le comportement des gens qui l’entourent. C’est de cette manière que l’enfant apprend à marche et à parler. Dans la maladie d’Alzheimer certains neurones meurent alors que les neurones miroirs restent actifs. Ainsi, si le patient vous voit sourire, il aura tendance à sourire puisque ses neurones miroirs l’incitent à imiter ce qu’il voit. De la même manière, dans une situation conflictuelle, si l’aidant adopte une posture agressive avec un visage fermé, l’aidé aura tendance à devenir de plus en plus agressif, par imitation. Pour désamorcer une telle situation, il est nécessaire d’adopter un visage souriant et bienveillant.

Les patients atteints de la maladie d’Alzheimer conservent également leur capacité à ressentir les émotions. Aux stades modéré et sévère, les patients sont presque des "experts émotionnels", tant ils ressentent l’ambiance des situations et les émotions des personnes qui les entourent.

Par exemple, si la dernière consultation médicale s’est déroulée dans un climat de tension et d’anxiété, le patient peut ne pas vouloir retourner voir le médecin, alors même qu’il ne se souvient pas s’être rendu à la consultation et ne peut donc même pas expliquer les raisons de son refus. Le patient se souvient en revanche de l’ambiance négative de cette consultation.

Ma philosophie

En tant que neurologue et face à la maladie d’Alzheimer, ma philosophie est la suivante : diagnostiquer tôt pour vivre mieux, pour retarder l’entrée dans la dépendance et accompagner au mieux le patient et son aidant

Mon conseil pratique

En informant l’aidant des fonctions cognitives qui restent préservées, on peut alors l’aider à adopter le bon comportement face à son proche. Quelques conseils simples permettent généralement de mettre en place une ambiance détendue et une harmonie entre le patient, son aidant et sa famille. 

L’aidant peut par exemple:

  • S’efforcer de sourire et de montrer un visage apaisé et bienveillant, puisque les neurones miroirs du patient le conduisent à imiter ce qu’il voit.
  • Préférer le contact visuel ou par le toucher plutôt que par la parole, car la détérioration du langage confronte les patients atteints de la maladie d’Alzheimer à des situations d’échec où ils ne parviennent pas à trouver leurs mots.
  • Se montrer rassurant et s’efforcer d’être de bonne humeur lors des situations potentiellement conflictuelles, comme les consultations médicales, afin que l’aidé conserve un bon souvenir émotionnel de ce moment.
Ces mesures vont permettre à l’aidant d’aborder les situations de la vie quotidienne avec sérénité et bienveillance, en gardant à l’esprit que la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer peut être heureuse.