Nicolas, 54 ans, a dû s'organiser avec ses sept frères et soeurs pour venir en aide quotidiennement à leurs parents malades.
En décembre 2017, ma mère a été opérée des intestins à la suite d’une métastase, ce qui l’a fortement handicapée. Depuis, elle va mieux. Nous restons cependant très attentifs à son état quotidien et sommes très soucieux quand elle a des crises.
Nous sommes 8 frères et sœurs à nous occuper de nos parents. On se relaie, on les accompagne au domicile. Ils ont une personne qui s’occupe du ménage et du domicile. Elle leur fait à manger quotidiennement, sauf le dimanche où c’est nous qui nous occupons d’eux. Nous on leur tient compagnie, on s’occupe des aspects administratifs, du lien avec la sécurité sociale.
On leur dédie l'intégralité de nos vacances
Chacun fait sa partie du boulot, on n’a pas de difficultés à ce niveau-là. Il y a beaucoup d’amour entre nous. Même si parfois entre frères et sœurs et ça n’est pas facile tous les jours : on maintient une relation assez cordiale, mais sans plus.
Ma relation avec mes parents a évolué. Avant, j’étais toujours derrière mes parents. Pas un jour ne pouvait se passer sans que je passe un coup de fil. Aujourd’hui c’est différent, peut-être que je n’en ai plus la force. Je travaille, la distance et les trajets me pèsent, quand je rentre je n’ai plus la force.Au téléphone, ils n’entendent pas, il faut que je passe par mes frères et sœurs. Cela me fait de la peine. Ils habitent en Essonne, mais 25 kilomètres nous séparent. Je ne peux pas y aller tous les jours. C’est sûrement pour m’éviter de la peine et que j’appelle moins.
On donne tant qu'on a encore de la force
Nous assumons nos relations entre frères et sœurs avec philosophie. On se dit qu’il n’y a pas d’autre solution, que l’on est en mesure de donner et qu’on en a encore la force. Parfois, je me demande si j’ai encore la force alors que je suis le dernier de ma fratrie, je m’interroge pour mes ainés. J’essaye de m’intéresser afin d’avoir des réponses sur ce qui se fait pour les aidants, comme les cafés des aidants. Eux, ils avancent sans trop se poser de questions. Mon père va bientôt fêter ses 95 ans, ma mère va avoir 92 en février.
J’ai entendu parler des solutions de répit proposées aux aidants, mais on est suffisamment nombreux. À chaque fois qu’on a eu des soucis médicaux, mes parents ont été extrêmement bien pris en charge. On a eu beaucoup de chance, on n’a pas à se plaindre. Ils sont d’une nature assez forte. Une fois qu’on s’est occupé du mal qui les afflige, ça se passe mieux. Mon père, en 2014, était dans un état végétatif, puis petit à petit, il a repris des forces. Aujourd’hui, il parle normalement.
Quand ce sont mes cinq semaines avec mon épouse, on va chez eux, ça nous coupe du monde. J’ai la chance d’avoir avec moi quelqu’un de très compréhensif. On discute beaucoup avec eux, au-delà de l’aspect cognitif, ils nous racontent aussi leur vie. On découvre, c’est ça aussi la beauté de la chose. Ça inspire mon épouse et ça me permet de redécouvrir mes parents, je les vois tels qu’ils ont toujours été et j’apprends des histoires familiales. Je ne trouve que de la beauté autour d’eux.
Il y a aussi des moments de tension, de fatigue, quand ils sont angoissés… J’apprends de chaque cycle, de chaque moment de passage.
Ma philosophie
La réciprocité. Ils sont conscients de ce qu’on fait pour eux. J’entends que la façon dont ça se passe entre nous n’est pas la même qu’avec mes frères et sœurs. Chacun a un caractère différent, les relations ne sont pas les mêmes. Je m’estime chanceux d’être le dernier car j’ai un champ de vision très large, j’arrondis toujours les angles. J’ai 3 enfants, ma dernière me ressemble : elle veut créer de la beauté, elle est créative, rêveuse. Mes parents comprennent qu’il y a de l’amour, ils vont nous le redonner sous forme de conseils, sous forme d’expérience.C’est ce qu’il y a de plus beau, comme s’il y avait un trésor à transmettre. Dans chaque histoire, il y a un enseignement. Aujourd’hui j’ai l’impression de redonner ce que j’ai reçu.
Mes parents sont aussi mes amis avant mes parents, j’ai toujours été en confiance avec eux. J’étais le premier dans la famille à divorcer, c’est à ce moment que mon père a fait son AVC. Il m’a fallu du temps pour comprendre, je sais que ce n’est pas ma faute.