France explique comment elle a pu partir en vacances, se ressourcer, tout en sachant que sa mère était entre de bonnes mains en hébergement temporaire. Ma maman a 91 ans. Elle vit chez moi depuis bientôt 4 ans. Je travaille. Dernièrement, elle a refait un AVC. Après cela, elle était très déprimée, elle n’arrêtait pas de pleurer. Mon médecin lui a prescrit un léger antidépresseur. Léger qui n’était pas si léger. Elle était enfermée sur elle-même, elle ne bougeait plus de son lit et cela a duré 4 mois. J’avais peur de ne pas pouvoir la garder à la maison. J’avais même demandé au service d’action sociale de ma caisse de retraite de l’aide pour un hébergement durable, car on ne trouve pas facilement des places en urgence.
Une organisation compliquée parce qu’elle n’était plus autonome
J’ai dû mettre en place toute une autre organisation, car elle n’était plus autonome. J’ai dû trouver des auxiliaires de vie supplémentaires, par exemple. Il n’était pas suffisant d’avoir une seule auxiliaire de vie. J’en ai trouvé deux successivement. J’ai redemandé à l’APA des heures complémentaires. J’ai recréé un planning d’assistante de vie. Ce planning permet la coordination de toutes les aides à domicile qui interviennent chaque jour auprès de ma maman, à des heures stratégiques. Il y a des intervenants toute la semaine, sauf le mercredi et le week-end car je gère ces moments-là. Je gère la santé et la toilette de Maman. Pendant 4 mois, elle était au fond du gouffre. Elle ne vivait plus que dans sa chambre, dont elle ne sortait même plus pour les repas.
Le séjour temporaire l’a stimulée
Et puis j’ai fait le choix de ne pas l’emmener en vacances, comme chaque année, mais de la mettre en séjour temporaire. J’ai retiré l’antidépresseur, et je l’ai mise en communauté. De l’enfer, on est passé au paradis quotidien. Le fait de l’avoir mise un mois en séjour temporaire cela l’a vraiment stimulée. C’était une maison de retraite médicalisée. Chaque aidant peut en faire la démarche pour une durée à partir d’une semaine. Cela lui a permis de sortir. En établissement, on est moins dans l’affectif qu’avec ses proches. Elle était en milieu médicalisé, il y avait des psychologues pour l’accompagner. Il y avait aussi des activités et cela l’obligeait à sortir de sa chambre.
La culpabilité n’est jamais loin
J’appelais maman tous les deux ou trois jours et j’appelais les infirmières chaque soir pour avoir des nouvelles. Avec maman, on ne restait pas longtemps en ligne, parce qu’elle parlait rapidement du piège où je l’avais mise. Je répondais alors "tant que le piège ne se referme pas sur toi, tout va bien". La culpabilité n’était jamais loin. J’ai aussi demandé à une auxiliaire de vie de passer 4 heures par semaine pour la voir. J’ai pris la plus ancienne, celle avec qui elle avait un lien le plus fort. Cela fait plus de 3 ans qu’elle vient. Elle m’en a parlé comme quelque chose de positif d’avoir ces visites.
Prendre soin de soi pour être plus à l’écoute de son proche
Dès que je suis rentrée de vacances, je suis allée la chercher et tout allait mieux. Moi ça m’a fait du bien aussi ces vacances. Je savais qu’elle était en sécurité, qu’on prenait soin d’elle et que cela serait différent après. En prenant soin de soi, on prend soin de la personne qu’on aide. On est moins fatigué, plus à l’écoute. Ce mois, c’était ni trop long, ni trop court et très spécialisé grâce à la présence des psychologues qui ont eu une analyse et une présence autre que la mienne. Nous nous sommes vraiment retrouvées après.
Ma philosophie
Avoir sa maman chez soi, cela vous offre le plaisir de profiter de votre maman, de la découvrir. On n’y fait pas trop attention à sa maman quand on grandit, on avance dans la vie sans prendre garde, maintenant on se redécouvre mutuellement. Cela incite à l’écoute. On découvre des moments de vie qu’on ignorait sur notre parents, grands-parents, famille…
Mon conseil pratique
Ne pas culpabiliser. Ce n’est pas parce que vous mettez la personne en séjour temporaire que vous l’abandonnez. Bien au contraire. C’est même dans son intérêt, le maintien à domicile a ses limites. Dans notre cas, il fallait que je la sorte de sa chambre et de son isolement. Le séjour temporaire, cela peut être court aussi. Parfois c’est 8 jours, mais 8 jours sans rien gérer. Il n’y a ni médecin, ni infirmière, ni auxiliaire à coordonner. C’est important de reprendre du souffle à un moment donné. En alternative, il y a aussi l’accueil de jour qui permet de savoir son proche en sécurité, occupé, avec d’autres, pendant une journée.