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Du deuil à l’engagement, quand l’expérience d’aidante devient un combat collectif

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Nadège Sanou est une autrice qui partage sa vie entre l’écriture et son travail dans le milieu du social. Aidante de son beau-fils atteint de trisomie, elle nous raconte dans Accorder les sons, son parcours, son combat pour l'inclusion, son rôle d'aidante

Après avoir accompagné son beau-fils atteint de trisomie 8 jusqu’à son décès à l’âge de 26 ans, Nadège Sanou a choisi de transformer sa douleur en moteur d’action. Entre solutions trouvées pour souffler, épreuves du deuil et engagement militant, elle livre un témoignage puissant sur la nécessité de reconnaître et soutenir les aidants dans son premier roman Accorder les sons.

A la recherche de solutions

Le répit : une bouffée d’oxygène indispensable

Une des solutions pour moi c'était les séjours de répit via des associations, des séjours adaptés qui s'adressent aux personnes en situation de handicap pour des enfants très jeunes jusqu'à l'âge adulte. Ces jours-là sont vraiment importants bien que rares. Il y a tellement de demandes que d'une année sur l'autre, ils alternaient. Il a quand même eu la chance d'avoir des places pour ces séjours-là, qui permettaient de partir dans un endroit super en campagne, parfois au bord d'un étang avec une équipe de spécialistes pour pouvoir les accompagner. C'était des séjours d'une semaine, parfois 10 jours. Je ne vous cache pas qu’il y avait un peu de crainte aussi de le laisser partir avec des inconnus, mais c'était vraiment des équipes de spécialistes avec des années d'expérience dans le domaine du handicap. Ils gardaient le lien avec la famille durant ces périodes. On voyait qu’il était tellement content de retrouver aussi d'autres copains et de partir dans des lieux complètement différents de Paris. Ça permettait pendant ce temps-là d'avoir des moments de repos durant lesquels on peut souffler, se reposer en sachant que lui il en profitait aussi. Tout cela sans culpabiliser. Je pouvais vaquer à mes occupations, recommencer une petite vie sociale, prendre soin de moi, etc. Pour le coup, c'est une vraie solution, ces moments de répit sont importants.

Où j’en suis aujourd’hui ?

Apprendre à vivre avec l’absence

Mon beau-fils est décédé il y a 4 ans, au moment du COVID. Malheureusement, il est parti à l'âge de 26 ans. Ça a été un bouleversement. C’est d'ailleurs sa disparition qui a été la source de ce roman, je voulais partager cette histoire. C'était aussi une façon de surmonter le deuil parce qu'il est parti trop tôt.

Certains diraient au regard de la vie qu'il a eu, des difficultés et de son handicap, qu’il a quand même vécu longtemps. Mais, 26 ans ça reste 26 ans et c’est quand même la disparition d’un enfant, enfin d'un jeune adulte que j'ai connu à l'âge de 5 ans. C'était très difficile pour tout le monde. Il y a une page qui se tourne, son existence s'est arrêtée à ce moment-là. Notre vie continue bien sûr, elle continue, elle n'est pas la même, il y a un avant et un après. Forcément, on ne peut pas faire comme s’il n’y avait rien eu. Je reste toujours et encore plus mobilisée puisque quelque part, quand j'ai écrit ce livre en retraçant 20 ans de ma vie et de ma vie avec lui, lui avec nous, le handicap, tout le parcours du combattant, il y a une forme de colère que j'ai ressenti justement par rapport à tout ce qu'on a dit sur la société, les difficultés. Et je l'exprime dans le roman. Il faut que les choses changent.

Transformer la douleur en engagement

Aujourd’hui j’ai à cœur de partager ce vécu pour sensibiliser la société au rôle des aidants et à l’importance de les soutenir. Je pense que j'ai ce côté militant qui est beaucoup plus prononcé et plus affiché parce que quand on écrit, on affiche forcément des positions, même si c'est un roman. C'est un roman bien sûr, mais ce n'est pas un roman tendre. C’est un roman qui parle d'amour, d'acceptation, de sacrifices, de résilience, de deuil, de questionnements aussi sur la différence et sur la place d'une personne handicapée dans la société actuelle. Aujourd'hui je vais mieux, mais j'ai envie de partager, de témoigner, de m'adresser aux parents, aux proches, aux aidants qui sont en situation d’aide, soit d’une personne handicapée ou âgée, en perte d'autonomie. Le nombre d’aidants va doubler voire tripler les prochaines années puisqu'il n'y a pas que le handicap mais toutes les maladies et la perte d'autonomie de nos aînés et cela va aussi nécessiter des accompagnements. Aujourd'hui il est urgent de sensibiliser pour que l’on trouve des solutions et aussi, pour changer le regard de la société.

Cela passe par plusieurs axes : sensibiliser sur le regard que l'on porte aux personnes handicapées, mais aussi faciliter, tout simplement rendre la société accessible. Il faudrait adapter la société et notre mode de vie,

Être aidant, ce n'est pas uniquement nous, c’est aussi la personne aidée, l'amour que l’on donne à la personne qu'on aide. C'est ça qui nous donne du courage. C'est un échange même quand on ne communique pas.