Sommaire
Aidant de sa maman atteinte d’une maladie apparentée à Alzheimer pendant 14 ans, Vincent Valinducq, médecin et consultant santé pour Télématin raconte son parcours d’aidant dans son ouvrage, “Je suis devenu le parent de mes parents”.
“Je me suis senti seul, démuni, un peu en colère et incompris.” On pourrait penser qu’être médecin aurait donné des clés à Vincent Valinducq, pour mieux vivre son parcours d’aidant, et pourtant non. La détresse a été la même que pour la majorité de ceux qui traversent cette épreuve. Il n’y a pas d’ordonnance pour préparer ou guider ceux qui vont accompagner le proche à travers les épreuves qu’ils vont traverser physiquement et moralement.
Pendant 14 ans, Vincent Valinducq, son frère et son père, se sont relayés jours et nuits pour accompagner sa mère atteinte d’une maladie apparentée à Alzheimer, à l’âge de 50 ans. Cet ancien docker du port du Havre, fils d’ouvrier, qui a choisi de se lancer dans des études de médecine à ses 24 ans, est également chroniqueur santé dans l’émission Télématin (France 2). Après avoir vécu l’isolement et le parcours du combattant d’un aidant, il a décidé d’utiliser sa visibilité médiatique pour mettre en lumière les aidants, les conseiller et interpeller les décideurs à faire plus à travers un livre : “Je suis devenu le parent de mes parents” (Eds Stock, Septembre 2023).
“Être aidant, c’est souvent épuisant et douloureux. Tant que vous n’y êtes pas confronté, vous pouvez certes l’entendre, mais difficilement le comprendre”, explique-t-il. Avec sa double casquette de médecin et le recul de ses 14 années d’expérience en tant qu’aidant, il partage donc dans son ouvrage tout ce qui a pu l’aider dans son parcours personnel pour guider ceux qui pourraient en avoir besoin. “Ce livre ne prétend pas être le manuel parfait de l’aidant, car nous sommes tous différents. Chaque aidant fait ce qu’il peut avec les moyens qu’il a, mais il y a malgré tout des problématiques et des étapes communes.”
Au cours d’un entretien, nous avons retracé avec lui les aides et étapes indispensables de son parcours qui pourraient guider ou soulager votre quotidien à votre tour.
Tenir un carnet de suivi pour le médecin
“L’humeur de ma mère changeait toujours un petit peu. Il était difficile de savoir si ces changements étaient dus à un nouveau médicament, à la dose, à l’évolution de la maladie ou juste un manque de sommeil”, explique notre interlocuteur. Tenir un petit carnet de suivi sur l’état de santé de son proche peut permettre au médecin de mieux les identifier et de mettre en place ce qu’il faut pour améliorer la situation, si c’est possible. “L’aidant est un pivot central, il connaît son proche comme personne et sait quand quelque chose ne va pas. Mais souvent, ils viennent nous consulter et ne savent plus exactement ce qui a changé, ni quand. Être aidant, c’est presque vivre une journée continue qui ne s’arrête jamais, on est englouti par la routine. Tenir un carnet de suivi pourrait faciliter les échanges avec le médecin. Cela reste une charge en plus, mais il ne faut pas tomber dans l’excès et noter simplement les changements importants avec la date, la dose, le nom du médicament ou une évolution sur le moral ou sur le sommeil. "
Se renseigner sur les démarches de protection juridique
Pendant 14 ans, Vincent, son père et son frère se sont répartis les tâches et l’effort avec obligation de ne rien tenir pour acquis et de se réinventer au gré de la maladie. Malgré sa capacité à prévoir tout au maximum, il était impossible de penser à tout. À une épreuve en particulier. Après 10 ans de présence jour et nuit pour son épouse, le père de Vincent s’écroule.
“En plus de l’épreuve émotionnelle, si ça, c’était produit à cet instant, nous n’aurions pas pu vendre la maison pour obtenir l’argent et nous occuper de notre mère, car elle n’était pas en mesure de le faire. Mon père a pu se remettre sur pied et juste après, nous avons demandé une mesure d’habilitation familiale. Cette décision vous donne les moyens juridiques nécessaires pour avoir la responsabilité de votre proche. Il ne faut pas hésiter à prévoir une consultation dédiée pour en parler à son médecin traitant, il saura vous guider vers la marche à suivre.”
Accepter de se faire aider
Convaincre son père de se faire aider a été l’une des étapes les plus compliquées pour Vincent. "Pour lui, c’était son rôle de faire tout ce qu’il faisait. Pour le convaincre, j’ai dû faire le plaidoyer inverse. Lui expliquer qu’il ne fallait pas le faire pour lui, mais pour maman. Que si c’était lui à sa place, il préférerait qu’une personne dont c’est le métier fasse sa toilette, plutôt que moi ou sa femme et que ça ne voulait pas dire qu’il l’aimait moins. Toutes les expériences sont différentes, ça ne sera peut-être pas le cas pour tous, mais pour mon père, ce point de vue a été le déclencheur. Il ne faut pas culpabiliser pour ça, au contraire. Passer le relais à des professionnels ou institutionnaliser son proche permet de se concentrer sur des moments plus légers et conviviaux avec ce dernier.”
Trouver des aides à domicile peut prendre du temps
Mary Poppins. C’est ainsi que Vincent surnomme Sandrine, l’auxiliaire de vie qui a été “une bouffée d’oxygène” pour les trois hommes. “Elle était censée être l’auxiliaire d’une vie, mais elle l’a été pour nous quatre. On pouvait s’absenter en confiance avec la garantie que ma mère était en sécurité. Une auxiliaire de vie s’occupe de donner à manger, d’emmener aux toilettes ou encore aider à habiller. Elle vous permet de vous concentrer sur les moments plus légers et privilégiés avec votre proche.” Notre interlocuteur tient néanmoins à souligner un point : trouver la bonne auxiliaire de vie prendra du temps. “Nous avons vu beaucoup de personnes qui n’étaient en rien fautives, mais qui manquaient de formation.”
Demander aussi de l’aide matérielle
Dans son livre, cet ancien aidant souligne la nécessité de dresser la liste de ses besoins et de ses difficultés pour en parler à son médecin généraliste. “Fauteuil roulant, chaise pour la douche, lève malade... Le médecin généraliste peut prescrire du matériel qui facilite le quotidien. Pour aider son proche à aller aux toilettes, à se lever du lit ou encore marcher, etc. Il ne faut pas non plus hésiter à questionner les professionnels qui viennent à domicile pour savoir quel matériel pourrait les aider.”
Demander aussi de l’aide matérielle
Dans son livre, cet ancien aidant souligne la nécessité de dresser la liste de ses besoins et de ses difficultés pour en parler à son médecin généraliste. “Fauteuil roulant, chaise pour la douche, lève malade... Le médecin généraliste peut prescrire du matériel qui facilite le quotidien. Pour aider son proche à aller aux toilettes, à se lever du lit ou encore marcher, etc. Il ne faut pas non plus hésiter à questionner les professionnels qui viennent à domicile pour savoir quel matériel pourrait les aider.”
Se faire aider psychologiquement
Quand on est aidant, il y a la charge physique, mais aussi mentale. Parmi les soutiens indispensables et marquants de son parcours d’aidant, Vincent fait également l’éloge de sa psychologue, Églantine. “Je savais que pendant une heure, je pouvais me poser et ne penser qu’à moi. C’est quelqu’un qui est là pour vous. Il ne faut pas nécessairement voir le cabinet d’un psy comme un endroit où on pleure à chaudes larmes. Ça m’a permis de marquer un temps d’arrêt, de poser mes idées. En tant qu’aidant on avance souvent en mode automatique et on finit par accepter et normaliser les problèmes qu’on affronte. En voyant le visage de ma psychologue face à mon récit, j’ai compris que ça ne devait pas être le cas.”
Trouver une échappatoire
“On m’a souvent dit de prendre soin de moi. Cette phrase me rendait fou. Comme si je n’avais que ça à faire de m’occuper de moi ! Je n’avais pas le temps et le sport n’était pas mon truc. Il me fallait trouver une aide efficace qui fasse du bien rapidement. Ma psychologue m’avait conseillé d’aller chanter, car je chante tout le temps. J’ai d’abord pensé que j’allais avoir honte et finalement, j’ai adoré. Pendant une heure, je prenais un temps pour me concentrer sur ma respiration, les notes, les paroles. Ça m’a aidé à décrocher et à penser à autre chose.”
Après 14 ans à avoir articulé sa vie autour de sa maman, le parcours d’aidant de Vincent s’est arrêté au décès de cette dernière. Un mois et demi après, lui et sont frères ont également perdu leur papa, fatigué moralement et physiquement. Dans ce nouveau parcours de reconstruction, il tente de transmettre les mêmes notions d’importance de se faire aider pour faire son deuil, le sien passe notamment dans cette volonté de porter la voix des aidants pour les aider à son tour et tenter de faire réagir le gouvernement.
Aide à domicile, aides financières, associations… Retrouvez toutes les ressources du parcours de Vincent Valinducq, dans son ouvrage “Je suis devenu le parent de mes parents”, éditions Stock.