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Au début, on pense que ça va aller. On prend les choses à bras le corps, on se débrouille. Et tout chemin faisant, on s’use tout doucement. Nous avons appris que ma maman était atteinte d’Alzheimer en 2017. L’annonce en soi était déjà un premier coup de massue. On ne lui avait pas donné un an et demi et pourtant elle a pu tenir trois ans.
Pendant un an, j’ai essayé au maximum de la garder chez elle, mais après, la maladie s’est sévèrement aggravée. Je ne pouvais plus faire autrement que de la placer en Ehpad et cette dernière étape a été la plus dure pour moi. J’ai fini en dépression.
Grâce à MAIA, un dispositif d’accompagnement contacté par la gériatre, j’ai pu bénéficier d’une psychologue qui travaille pour une plateforme de répit. J’ai mis 6 mois avant de la contacter et je le regrette. J’aurais dû le faire avant que maman entre à l’Ehpad. Mais voilà, on se croit capable de tout gérer. Or, ça n’est pas le cas.
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C’est difficile quand on travaille et qu’on est seule à s’occuper d’une malade
J’ai dégringolé tout doucement. C’est très difficile quand on travaille et qu’on est seule de s’occuper d’un malade. D’autant que moi, j’étais très très proche de ma maman. Je voulais tout faire pour qu’elle reste chez elle. Sa maison était tout pour elle. Au début, ça allait, et puis, il y a eu de plus en plus de difficultés. Lui retirer sa voiture a notamment été un moment compliqué. Elle la cabossait régulièrement et on a eu énormément de mal à lui faire accepter d’arrêter la conduite. C’est ce genre de petites épreuves comme ça qui vous mine le moral tout doucement.
Un jour, au travail, en plein déplacement sur un salon extérieur, on m’a appelé pour me dire que ma fille avait fait hospitaliser ma maman parce qu’elle avait "piqué une crise" en pleine rue. J’ai dû faire des pieds et des mains pour la faire transférer dans un hôpital plus proche en pleine journée de travail. Même si je pouvais compter sur elle, et qu’elle aimait sa grand-mère, il y a des choses sur lesquelles, ma fille et moi n’étions pas d’accord. Moi, je voulais que ma mère reste libre, qu’elle ait le droit de sortir toute seule, si elle voulait et que sa maison ne soit pas une prison.
Je n’avais jamais été voir de psy et je ne me voyais pas tout raconter
À l’automne, j’ai vraiment commencé à sombrer. La maladie s’étant aggravée, ma maman a dû être à nouveau hospitalisée. C’est à cet instant, que les personnes de MAIA m’ont parlé des aides, de la plate-forme de répit et de la psychologue. Mais j’ai laissé passer. Parce que ça n’était pas mon truc. Je n’avais jamais été voir de psy et je ne me voyais pas raconter tout ça. J’ai tenté de trouver des aides à domicile. Le problème, c’est que ma mère était une personne très indépendante, elle n’acceptait pas les gens de l’extérieur chez elle et personne ne pouvait la toucher.
Finalement, j’ai trouvé une dame de compagnie exceptionnelle. Elle restait de 11 heures à 14 heures et revenait le soir jusqu’à ce qu’elle se couche. Moi, je prenais ma maman avec moi tous les week-ends. J’allais la chercher le samedi, je la ramenais le soir et j’allais à nouveau la rechercher le dimanche. Les allers-retours étaient très lourds, avec le bagage émotionnel en plus lorsqu’à la fin des deux jours, elle me disait : “Je ne veux pas rentrer, j’ai peur, j’ai peur”. Mais je n’avais aucune solution, parce que je travaillais. Ma vie professionnelle était très importante pour moi parce qu’elle faisait partie des échappatoires possibles, même si c’est seulement pour un temps. Parce qu’il faut savoir que l’accompagnement vous poursuit toujours, même la nuit. On se demande si ça va, si elle est en sécurité.
Aucun Ehpad ne voulait la prendre
Un jour, l’infirmière m’a appelé au travail pour me dire que ma maman était tombée et qu’il fallait l’hospitaliser. À partir de là, la question de l’Ehpad était inévitable, mais aucun établissement ne voulait d’elle. Je me suis demandée ce que j’allais pouvoir faire parce que personne ne voulait d’elle. C’était une personne très énergique, elle déambulait beaucoup. À l’hôpital, elle entrait dans les chambres des autres, elle ouvrait les placards. Toutes les personnes qui venaient la rencontrer pour voir s’ils pouvaient la prendre en Ehpad ne me donnaient plus de réponses après. J’ai eu la chance d’avoir une amie, directrice adjointe dans un Ehpad qui a accepté de la prendre.
Le placement en Ehpad, c’est différent pour nous aidant, parce qu’on a l’impression de perdre la personne. On la perd déjà à chaque étape où la maladie évolue, mais quand le proche rentre en Ehpad, il vous échappe. Même si je me suis impliquée au maximum, ce sont les autres qui prennent les décisions pour elle et puis vous savez qu’à partir du moment où elle entre là, elle n’en ressortira pas. J’ai eu la chance de tomber sur un bon Ehpad. Evidemment, ça n’a pas été l’idéal de ce que j’aurais voulu pour elle, mais avec le recul, je pense que ça n’était pas si mal. Mais il y a eu très peu de stimulation là-bas et avec ce genre de maladie, c’est la dégringolade.
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Je me suis rendu compte à quel point pouvoir parler de tout ça est important
Je me suis finalement décidée à aller voir la psychologue de la plateforme de répit. Je me suis rendu compte à quel point pouvoir parler de tout ça est important. Même pendant la période du Covid, elle nous appelait à la maison. Elle m’a informée de l’existence d’ateliers avec d’autres aidants auxquels je me suis rendue. Je me suis fait accompagner jusqu’au décès de ma maman pendant 2 ans et demi et quelques mois après sa mission avec MAIA, elle ne pouvait plus aller au-delà, alors elle a arrêté de me suivre. C’était difficile parce qu’on prend l’habitude d’aller parler, d’autant qu’après le décès, tout est comme un boomerang. Il y a des moments où ça va et d’autres ou tout vous revient dessus. J’ai donc recherché quelqu’un d’autre pour me faire suivre psychologiquement après tout ça, parce qu’on ne sort jamais vraiment indemne de cette épreuve.
Ma philosophie
Faire son possible dans l’accompagnement pour ne rien regretter : j’ai tout fait pour que ma maman puisse rester chez elle dans sa maison et même une fois à l’Ehpad, je m’y suis rendue le plus souvent possible. J’ai trop vu de personnes toutes seules à l’Ehpad. J’ai fait mon maximum dans mon parcours d’aidante et pourtant, même moi, j’ai des regrets.
Mon conseil pratique
Prendre tout de suite contact avec une association : il faut se préserver soi-même en tant qu’aidant, parce que si jamais on veut pouvoir les accompagner jusqu’au bout, il faut se faire aider dès le début. Même si c’est seulement une fois par mois, il faut se protéger.