Une famille rend visite à leur proche en maison de retraite

Entrée en maison de retraite : quand l’aidant passe la main

Conseils d'une psychologue pour vivre cette transition en douceur en restant proche malgré le placement.


Échec, culpabilité, soulagement, difficulté à renoncer à son rôle d’aidant, peur de la solitude… Les sentiments sont multiples quand il faut se résoudre à trouver une place en EHPAD pour son parent ou son conjoint.

Au moment de l’entrée en institution, quand on est arrivé au bout du bout du maintien à domicile de son conjoint ou de son parent, pour de diverses raisons, souvent difficiles à formuler, les sentiments sont partagés, violents, douloureux. Cécile Giraud, psychologue clinicienne en EHPAD'et thérapeute de famille explique: "Le maintien à domicile peut mener l’aidant et son proche très loin. C’est toujours long de retrouver un équilibre après le placement, qui vient notamment mettre un terme à la vie de couple. Et plus les aidants familiaux sont allés loin dans l’accompagnement à domicile, plus le placement apparaît dans un premier temps comme insensé."

Rester aidant, autrement

Quand son épouse est entrée en EHPAD, Paul, 85 ans, a eu envie de la suivre': "Je me suis retrouvé seul, je tournais dans ma tête, sans arrêt. J’ai pensé entrer en EHPAD, avec elle." Mais Paul sait bien qu’il n’a pas sa place en institution. Octogénaire bon pied bon œil, il a trouvé une autre solution pour rester proche de sa femme et conserver ce statut d’aidant qui le maintient debout, en lui ajoutant une dimension d’engagement':' "Je suis vice-président du Comité de Vie Sociale (CVS). J’y suis pour rester en contact, avec les familles des résidents, les services de santé, le personnel."

Continuer à être aidant quand son proche est en EHPAD

Nathalie, 59 ans, se souvient de l’entrée en institution de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, après plusieurs années de maintien à domicile, dont le quotidien avait surtout été pris en charge par ses sœurs, plus proches géographiquement, mais aussi émotionnellement. "On a tenu tout ce qu’on a pu à domicile, mes sœurs avaient tout pris en main, l’aînée surtout." Un jour pourtant, il a fallu se résoudre': "J’étais la seule à ne pas avoir une relation fusionnelle avec elle, j’étais la plus à distance, mais quand la dame de l’institution m’a dit': “votre maman, on va très bien s’en occuper”, j’ai fondu en larmes, je me suis effondrée." Puis, entre culpabilité et soulagement, Nathalie a pu tisser un nouveau lien avec sa mère, la découvrir autrement : "Elle a toujours été très autoritaire, sous contrôle, et là, dans l’unité Alzheimer, elle a sympathisé avec une dame, elles avaient des discussions incroyables, surréalistes, et elles riaient énormément. C’est un cadeau de la vie, beau et douloureux à la fois."

Rester proches, c’est possible en institution

Maladie ou pas, quand le grand âge installe un autre rythme, une dépendance, une perte profonde d’autonomie, maintenir un lien apaisé avec son parent ou son conjoint, demande un changement de regard, un pas de côté. Notre rôle est d’aider les familles à assouplir le lien qu’ils ont tissé dans la relation d’aide, explique Cécile Giraud. Les familles sont beaucoup dans le faire, par la force des choses, c’est important de leur dire qu’on peut être bien aussi avec le cerveau au ralenti, qu’un quart d’heure assis sous le tilleul, ce n’est pas du temps perdu. Il faut les aider à lâcher prise, même si ce n’est pas facile, la position d’aidant a quelque chose d’héroïque, ce n’est pas facile de renoncer à son héroïsme, surtout quand on entend souvent 'mais comment tu fais'?'

Un soutien psychologique et un groupe de parole pour les aidants

Pour aider les familles au moment difficile de l’entrée en institution, Cécile Giraud a mis en place il y a 17 ans, un groupe de parole. Un groupe où la parole des aidants prend toute sa valeur, dans une relation d’égal à égal, de partage d’expérience, voire d’expertise pointue. Cécile Giraud se souvient notamment d’une réunion où une aidante a trouvé la solution pour une autre, évoquant l’accueil temporaire pour son conjoint. Elle-même, dans sa position de psychologue d’EHPAD, s’était autocensurée sur cette proposition. Elle avait laissé agir. Ainsi, par la parole, les solutions parfois se trouvent, se révèlent, s’imposent en douceur, au bon moment, dans l’écoute, le partage et la bienveillance.