des jeunes aidants essayent de profiter de leur jeunesse malgré le manque d'aides

Jeunes aidants : concilier jeunesse, scolarité et responsabilités avec très peu d’aides

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Parmi les 11 millions de personnes qui aident un proche en France, les jeunes aidants familiaux, mineurs ou jeunes adultes (18 à 25 ans), ont peu de visibilité dans les médias et pour les pouvoirs publics.


Enfants, ados, jeunes étudiants... c’est souvent dans le cadre d’une situation complexe et malheureuse que les moins de 25 ans deviennent jeunes aidants. Une mère célibataire, qui a besoin de l’aide de son aîné.e après le décès ou le départ du père, des parents trop occupés qui laissent à l’enfant le soin de s’occuper des grands-parents… Ces jeunes effectuent des tâches diversifiées pour soutenir un proche : mobilité, aide aux repas, compagnie, soutien émotionnel, etc.

Jeunes aidants : des chiffres mal estimés en France

Il est difficile de pouvoir réellement estimer le nombre de jeunes aidants en France. Les chiffres officiels parlent d’environ 500 000 mineurs venant en aide à l’un de leur proche, mais cette part serait largement sous-estimée, selon les associations. En 2008, une enquête menée par la DREES auprès de 200 aidants a recensé 11 % de jeunes aidants parmi les interrogés, mais ils avaient tous entre 16 et 30 ans. Aucun jeune en dessous de cet âge n’a été compris dans l’étude. Une autre étude préliminaire a été entamée par les associations JADE (Jeune Aidant Ensemble) et JAID avec l’Université de Paris. Les premiers chiffres parlent de 17 % de jeunes aidants sur 1448 lycéens interrogés.

Des jeunes très discrets sur leur statut d’aidants familiaux

Ces jeunes sont très peu visibles, et peu connus. Ils sont bien souvent très discrets sur leur situation. “Ils ont envie de faire partie du groupe, d’être comme les autres ados ou leurs camarades. Alors ils taisent leur vie à la maison”, explique Françoise Ellien, psychologue clinicienne, spécialisée dans la clinique infanto-juvénile et Présidente de l’association nationale Jeunes Aidants Ensemble (JADE).


Et lorsqu’ils en parlent, la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous. À l’âge de cinq ans, Margaux est devenue aidante de son père atteint d’un cancer et séparé de sa mère. “ Quand je parlais de ce que je vivais chez moi, mes camarades étaient choqués. Je me souviens avoir ressenti des sentiments de rejet, d’incompréhension…"

On pense à tort que les rôles sont inversés

“On rencontre parfois aussi une sorte d’obligation morale : les jeunes ne s’autorisent pas à profiter d’une activité extra-scolaire et s'isolent car ils sont inquiets de l’état de santé de leur parent, ajoute la psychologue. Ils perçoivent les loisirs et le temps passé loin de leur proche aidé comme une trahison à l’égard de ce dernier. Ceux qui vivent avec un parent qui a une maladie mortelle évoluent dans un sentiment d’incertitude permanent, un socle de sérénité insuffisante qui peut générer des phobies.”


Dans ces situations, on parle souvent de schéma familial “inversé”. La famille est exposée à un sentiment de honte et de culpabilité. “ Je m’oppose à la notion de parentification jugée négative, s’insurge Françoise Ellien. On pense à tort que les rôles sont inversés. Même si je suis une mère avec une sclérose en plaques, ma position psychique de maman ne change pas, bien que je sois une mère empêchée. Les parents malades sont tout autant des parents que les autres. Pouvoir constater qu’ils ne sont pas les seuls parents dans cette situation fait diminuer le sentiment de culpabilité qu’ils ont à demander de l’aide à leur enfant.”

Jeunes aidants familiaux : la menace du placement

Près de deux familles sur cinq sont monoparentales en France et bien souvent en situation de vulnérabilité sociale. Dans ces cas, la menace du placement plane autant pour le jeune aidant, que pour le parent aidé. “Quand l’épreuve du cancer frappe, par exemple, le parent ne demandera pas d’aide, de peur qu’on lui retire son enfant, et l’enfant en fera de même, de peur d’être placé”, explique la psychologue.

École, argent, soins… Très peu de soutien pour les jeunes aidants

Aujourd’hui encore, les professionnels de santé peinent à trouver comment identifier les jeunes aidants et ne savent pas comment les soutenir, notamment parce qu’ils ne sont pas formés au sujet. Au fil du temps, le profil d’aidant type s’est plutôt dessiné comme une femme de plus de 50 ans et depuis les choses n’ont pas beaucoup évolué. “Actuellement, lorsqu’une fillette accompagne sa maman chez l’oncologue ; un jeudi en plein après-midi, personne ne s’offusque”, regrette Françoise Ellien.


Quel est le résultat de cette exclusion ? La plupart des aides mises en place pour les aidants n’est pas pensée pour les jeunes majeurs. Le congé de proche aidant, par exemple, n’est pas adapté à la personne qui suit des études. Et la situation des jeunes mineurs est encore moins envisagée, si bien qu’ils sont exclus des dispositifs. Pourtant, les demandes d’aides auxquelles ils devraient pouvoir prétendre sont nombreuses : aides financières, lutte contre la précarité, soutien et accompagnement dans les gestes du quotidien, les démarches administratives… Il faudrait qu’ils puissent, par exemple, bénéficier de manière plus systématique à un aménagement d’emploi du temps à l’école ou dans le supérieur. “Il faudrait tout d’abord sensibiliser l’Education nationale. L’objectif : faire en sorte que la situation d’aidance puisse être mieux repérée à l’école. Il faudrait par exemple être en mesure de proposer des dispositifs pour les enfants aidants, comme un aménagement des horaires ou une compréhension en cas d’absence justifiée.”

Jade : une association pour les jeunes aidants

Notre interlocutrice, François Ellien est à l’origine de la plus grosse association qui donne voix et soutien aux jeunes aidants depuis 2001. L’objectif ? “Rendre visibles et audibles les jeunes aidants et développer des ateliers artistiques-répit JADE sur tout le territoire pour que tous les jeunes aidants en France puissent bénéficier d’un temps de répit et d’un lieu d’expression.” L’association organise des missions et événements comme des rencontres entre jeunes aidants pour sortir de l’isolement, des conseils et informations, comme des contacts vers des professionnels, si besoin. Elle contribue également à la promotion de recherche en France sur les jeunes aidants et à l’initiative de projets pour porter leur situation sur la place politique, publique et auprès des professionnels de santé.


Écouter le Café Ma Boussole Aidants : Vers qui se tourner pour obtenir de l'aide

Être aidant, c’est gérer 1001 choses, se poser beaucoup de questions en ayant peu de temps pour les traiter. Comment accompagner au mieux son proche ? Quelles aides solliciter ? Comment se faire relayer ? Comment se préserver ? Vers qui se tourner pour répondre à ses questions ?...Nathalie Quaeybeur, présidente de la Fédération des Plateformes de Répit, est notre invitée pour ce café. Nous verrons comment les structures professionnelles, et notamment les plateformes de répit, peuvent accompagner les aidants dans leur rôle.