Qu’est-ce que la curatelle renforcée ?

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La curatelle renforcée protège les personnes majeures en difficulté dans la gestion de leurs finances. Découvrez les conditions, démarches et rôle du curateur pour accompagner un proche vulnérable en toute sécurité.

Lorsqu’un proche rencontre des difficultés importantes pour gérer ses affaires personnelles et financières, il peut être nécessaire de mettre en place une mesure de protection juridique. La curatelle renforcée est l’une de ces mesures.

Qu’est-ce que la curatelle renforcée ?

Définition   

La curatelle renforcée est une mesure de protection juridique destinée aux personnes majeures dont les capacités (physiques et/ou mentales) sont altérées par une maladie ou un handicap. Elle intervient généralement lorsque cette altération empêche la personne à protéger de réaliser ou prendre des décisions pour des actes importants.  

Cette mesure est mise en place lorsqu’une surveillance plus étroite des ressources et dépenses est nécessaire. Le curateur prend alors en charge la gestion des finances du majeur protégé afin de garantir une utilisation adéquate de ses ressources, tout en veillant à son bien-être général. 

Plus encadrante qu’une curatelle simple, mais moins restrictive qu’une tutelle, elle assure un accompagnement renforcé tout en maintenant une part d’autonomie pour la personne protégée. 

Cadre légal    

La curatelle renforcée est régie par les articles 440 à 476 du Code civil. Elle a été réformée par la loi du 5 mars 2007, qui vise à renforcer le respect des droits et libertés des personnes protégées en instaurant un principe de proportionnalité dans l’application des mesures de protection. 

Cette mesure ne peut être mise en place que lorsqu’elle est justifiée par une altération médicalement constatée des facultés mentales ou corporelles affectant la gestion des affaires personnelles. 

Le juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles) est l’autorité compétente pour décider de la nécessité d’une curatelle renforcée, après avoir recueilli les avis nécessaires, notamment celui d’un médecin inscrit sur la liste des experts judiciaires. 

Différences entre curatelle simple, curatelle renforcée et tutelle

La curatelle simple   

Elle vise à accompagner et sécuriser la gestion des affaires personnelles du majeur protégé tout en lui laissant une certaine autonomie dans ses décisions du quotidien. 

Dans ce cadre, la personne placée sous curatelle simple peut continuer à effectuer seule tous les actes dits de gestion courante, tels que le paiement des factures, les achats usuels ou la signature de contrats de la vie quotidienne. Cependant, pour les actes considérés comme plus importants, notamment ceux pouvant avoir un impact significatif sur son patrimoine, son logement ou ses finances, l’assistance de son curateur est requise. Il s'agit notamment de la vente ou l’achat d’un bien immobilier, la souscription d’un prêt ou encore la modification d’un contrat d’assurance. 

La curatelle renforcée   

Elle constitue un niveau intermédiaire entre la curatelle simple et la tutelle, en imposant un contrôle plus strict sur la gestion financière du majeur protégé tout en lui laissant une certaine autonomie pour les décisions de la vie courante. 

Dans ce cadre, le curateur joue un rôle actif et central. Contrairement à la curatelle simple, où le majeur gère seul ses ressources sous supervision, la curatelle renforcée impose au curateur de percevoir les revenus du majeur et de régler ses dépenses à sa place. Le curateur prend donc en charge la gestion du budget, le paiement des charges fixes (loyer, factures, impôts), et veille à ce que les ressources du majeur soient utilisées dans son intérêt. Cependant, la personne protégée conserve son droit d'effectuer seule certains actes personnels, comme la gestion des achats du quotidien ou les décisions médicales courantes. 

La tutelle   

La tutelle est une mesure de protection juridique destinée aux personnes majeures dont les facultés mentales ou physiques sont altérées de manière sévère et permanente, les empêchant totalement de gérer leurs affaires et de défendre leurs intérêts. Elle constitue le niveau le plus contraignant de protection, car la personne sous tutelle est considérée comme incapable juridiquement d’accomplir seule les actes de la vie civile

Le tuteur a pour mission d’administrer l’ensemble des biens et des finances du majeur protégé, ainsi que de représenter la personne dans la plupart de ses démarches administratives et juridiques. 

Qui peut être placé sous curatelle renforcée ?

Une curatelle renforcée peut être prononcée pour toute personne majeure dont l’état de santé ne permet pas une gestion autonome d’actes importants, comme souvent : la gestion des finances et des actes administratifs. 

Plusieurs critères sont examinés : 

  • Une altération médicalement constatée des facultés mentales ou physiques, 

  • L’incapacité partielle à gérer son patrimoine et ses ressources, 

  • La nécessité d’un accompagnement constant, mais avec maintien de certaines capacités décisionnelles notamment pour les actes du quotidien. 

Le juge statue sur la mise en place de la mesure après réception d’un certificat médical circonstancié. 

Rôle et obligations du curateur en curatelle renforcée

Rôle   

Le rôle du curateur en curatelle renforcée est d'accompagner et assister dans la gestion quotidienne des biens et finances de la personne protégée dans son intérêt et tout en lui laissant un maximum d’autonomie. Le curateur perçoit les revenus de la personne protégée, règle les dépenses et s’assure que son budget est équilibré. 

Dès réception du jugement de curatelle, le curateur doit accomplir plusieurs formalités essentielles pour assurer la protection et la gestion des intérêts de la personne sous curatelle renforcée : 

  • Informer les organismes concernés : Signaler la mise sous protection aux banques, à La Poste, aux caisses de retraite, à la CPAM, à EDF et à toute administration en lien avec la personne protégée. Une copie du jugement doit être fournie 

  • Mettre à jour les comptes bancaires : Modifier l’intitulé des comptes et livrets existants en ajoutant la mention de la curatelle  

  • Ouvrir un compte bancaire si nécessaire : Si la personne protégée ne possède aucun compte, en créer un sans nécessiter l’autorisation du juge. 

  • Désolidariser un compte joint : Si la personne sous curatelle détient un compte joint, demander la séparation des fonds et transférer la part lui revenant sur son compte personnel. Cette démarche requiert l’accord du juge des contentieux de la protection. 

  • Réaliser un inventaire du patrimoine : Recenser les biens et dettes de la personne protégée à l’ouverture de la curatelle. L’inventaire doit être transmis au juge :  

  1. Dans les 3 mois pour les biens meubles corporels (mobilier, voiture, œuvres d’art…). 

  2. Dans les 6 mois pour les biens incorporels (comptes bancaires, créances) et immobiliers (maison, appartement). Un budget prévisionnel doit également être établi.  
  3. L’inventaire est réalisé en présence de la personne protégée si possible, ainsi que d’un avocat, du subrogé curateur (s’il existe) et de témoins indépendants si aucun professionnel (commissaire-priseur, notaire, huissier) ne l’effectue. Il doit être signé et accompagné de relevés bancaires justifiant des soldes des comptes. 
  • Vérifier la couverture en responsabilité civile : S’assurer que la personne protégée est bien couverte en cas de dommages causés à autrui. 

  • Examiner les contrats d’assurance : Vérifier la validité et l’adéquation des assurances des biens mobiliers et immobiliers afin de garantir leur protection. 

Actes que peut effectuer le curateur   

Le curateur peut rarement effectuer un acte ou prendre une décision seul hormis la perception des revenus du majeur protégé sur un compte ouvert au nom de la personne majeure protégée. Dans tous les autres cas, il doit rendre annuellement des comptes au juge pour toute décision, accompagnement effectué et argent dépensé et perçu.  

 Sinon, il doit, entre autres : 

  • Se charger de la gestion des dépenses exceptionnelles avec l’autorisation du juge si nécessaire, 

  • Etablir un compte de gestion annuel, soumis au contrôle du juge. 

  • Assurer le règlement des dettes et dépenses de la personne protégée avec versement de l’excédent sur un compte au nom du protégé pour lui permettre de gérer les dépenses du quotidien qu’il est en capacité de gérer afin de lui garantir une certaine autonomie, 

  • Assister le majeur protégé pour un achat immobilier,  

  • Effectuer des signatures de contrat comme une assurance, une acceptation ou renonciation de succession, un divorce, un bail,  

  • Assister la personne sous curatelle pour tout acte qui pourrait engager une perte d’argent ou de droit de cette dernière dans son patrimoine. 

  • Autoriser et assister le protégé ou non pour un mariage ou un pacs. 

Un contrôle chaque année

Le curateur d’une personne sous curatelle renforcée est soumis à un contrôle rigoureux afin de garantir une gestion transparente et conforme aux intérêts du majeur protégé. Chaque année, il doit rendre des comptes au juge des contentieux de la protection en fournissant plusieurs justificatifs relatifs à la gestion des finances et du patrimoine de la personne protégée. 

Le curateur doit présenter un compte de gestion annuel détaillé, qui permet au juge de vérifier que les ressources de la personne protégée sont bien utilisées dans son intérêt. Ce compte doit être précis et exhaustif afin d'éviter tout risque d’abus ou de mauvaise gestion. 

Pour appuyer sa reddition de comptes, le curateur doit transmettre plusieurs documents : 

  • Un relevé détaillé des comptes bancaires de la personne protégée, indiquant les entrées et sorties d’argent sur l’année écoulée. 

  • Les justificatifs des principales dépenses, notamment les factures de loyer, d’énergie, d’assurances, de soins médicaux et de frais de vie courante. 

  • Une attestation des ressources perçues par la personne protégée (pensions, salaires, allocations, rentes…). 

  • Un état du patrimoine, qui mentionne la valeur des biens mobiliers et immobiliers possédés, ainsi que d’éventuelles dettes ou crédits en cours. 

  • Un bilan des opérations exceptionnelles, comme la vente ou l’acquisition d’un bien, un placement financier ou un remboursement d’emprunt. 

Mise en place et démarches de la curatelle renforcée

Qui peut faire la demande ?   

La demande peut être formulée par plusieurs acteurs : 

  • La personne elle-même, si elle reconnaît ses difficultés à gérer ses finances, 

  • Un proche (conjoint, parent, enfant, frère/sœur), 

  • Un professionnel de santé ou travailleur social constatant la vulnérabilité de la personne, 

  • Le procureur de la République, lorsqu’une situation préoccupante est portée à sa connaissance. 

Documents nécessaires   

Le dossier de demande doit contenir : 

  • Un certificat médical détaillé, délivré par un médecin expert agréé, 

  • Un formulaire de demande adressé au juge des contentieux de la protection, 

  • Tout document attestant des difficultés rencontrées par le majeur (factures impayées, relevés de compte, témoignages de proches, etc.). 

Durée et révision de la mesure   

La curatelle renforcée est en principe prononcée pour une durée maximale de cinq ans, renouvelable. Toutefois, elle peut être réévaluée à tout moment par le juge en fonction de l’évolution de l’état de la personne protégée. Une aggravation de la situation peut conduire à un placement sous tutelle, tandis qu’une amélioration peut permettre un allègement vers une curatelle simple ou la fin de la mesure. 

Les droits de la personne protégée en curatelle renforcée

La personne placée sous curatelle renforcée conserve un certain nombre de droits fondamentaux, malgré l’accompagnement renforcé dont elle fait l’objet pour la gestion de ses finances et de son patrimoine. Contrairement à la tutelle, où elle perd une grande partie de sa capacité juridique, elle garde une certaine autonomie dans les actes de la vie courante. Ainsi, elle peut prendre seule les décisions suivantes :  

Vie personnelle   

  • Les décisions relatives à sa santé (sauf cas exceptionnel nécessitant l’intervention du curateur) 

  • Travailler et percevoir librement sa rémunération (bien que son curateur en assure la gestion afin de garantir que ses ressources soient utilisées à bon escient.

Actes administratifs et juridiques   

  • Rédiger un testament (sous réserve d’en informer son curateur) 

  • Se marier ou conclure un PACS (avec accord du curateur, voire une autorisation du juge des contentieux de la protection en cas de contestation) 

  • Voter 

Droits et contestation   

Pour les actes importants comme la vente d’un bien immobilier, la souscription d’un emprunt ou une donation, l’accord du curateur est obligatoire. Dans certains cas, une autorisation judiciaire peut être requise. Le curateur assure aussi le paiement des charges courantes et l’équilibre du budget, en veillant à ce que la personne protégée ne se retrouve pas en difficulté financière. 

Enfin, la personne sous curatelle renforcée a toujours la possibilité de contester certaines décisions ou de demander une procédure de réévaluation de la mesure si elle estime qu’elle peut retrouver plus d’autonomie. Pour cela, elle peut saisir le juge des contentieux de la protection, qui pourra adapter ou alléger la curatelle en fonction de l’évolution de sa situation. 

Impacts et enjeux de la curatelle renforcée

Protection et limites de la mesure   

La curatelle renforcée permet d’éviter les abus financiers et de garantir la sécurité économique du majeur protégé. Toutefois, cette procédure peut également restreindre certaines libertés, d’où l’importance d’un suivi adapté à chaque situation. 

Recours et assistance judiciaire   

Si la personne protégée estime que la mesure est excessive ou inadaptée, elle peut saisir le juge pour demander une modification ou une levée de la curatelle. Un avocat spécialisé ou une association d’aide aux majeurs protégés peut l’accompagner dans cette démarche. 

Comment modifier ou mettre fin à une curatelle renforcée ?   

La curatelle renforcée n’est pas une mesure figée : elle peut être révisée, allégée ou levée en fonction de l’évolution de la situation de la personne protégée. Cette révision repose sur une évaluation approfondie de l’état de la personne et de sa capacité à gérer ses affaires. 

Demande de modification de la curatelle renforcée  

La mesure de curatelle renforcée peut être allégée vers une curatelle simple si la personne protégée démontre une meilleure autonomie dans la gestion de ses finances et de ses actes juridiques. À l’inverse, si sa situation se dégrade et qu’elle n’est plus en capacité de prendre des décisions éclairées, la mesure peut être aggravée en tutelle

Une demande de modification peut être formulée par plusieurs acteurs : 

  • La personne sous curatelle elle-même si elle estime que son état s’est amélioré, 

  • Le curateur, s’il juge qu’une adaptation de la mesure est nécessaire, 

  • Un membre de la famille ou un proche, 

  • Le procureur de la République, 

  • Le juge des contentieux de la protection, de sa propre initiative. 

Pour étudier cette demande, le juge s’appuie sur un certificat médical circonstancié établi par un médecin expert agréé, qui évalue les capacités du majeur protégé et son aptitude à gérer ses affaires. Il peut également entendre la personne concernée et son curateur avant de rendre sa décision. 

Comment faire une mainlevée de la curatelle renforcée ?   

Si la personne sous curatelle renforcée retrouve pleinement ses facultés et sa capacité à gérer ses affaires de manière autonome, elle peut demander la mainlevée de la mesure. La mesure requiert une demande au juge des tutelles. Là encore, un certificat médical circonstancié est requis pour attester de l’amélioration de son état. Le juge des contentieux de la protection statue après examen des éléments du dossier. 

Si la demande est acceptée, la personne retrouve toute sa capacité juridique et peut à nouveau gérer ses biens et ses finances sans l’intervention d’un curateur. En revanche, si le juge considère que la levée de la curatelle pourrait mettre la personne en danger, il peut maintenir la mesure ou la prolonger sous une autre forme. 

Révision automatique et durée de la curatelle renforcée

La curatelle renforcée est prononcée pour une durée maximale de cinq ans, mais elle peut être renouvelée si le besoin persiste. Avant chaque renouvellement, une évaluation de la situation est réalisée afin de déterminer si la mesure doit être maintenue, modifiée ou supprimée. 

En cas de refus du juge de lever ou d’alléger la mesure, la personne protégée peut faire appel de la décision auprès de la cour d’appel. Elle peut être accompagnée par un avocat spécialisé en droit des majeurs protégés pour défendre sa demande. 

  

La curatelle renforcée est un dispositif essentiel pour protéger les personnes vulnérables tout en leur laissant une certaine autonomie. Elle repose sur un équilibre entre assistance et liberté, et son application doit être soigneusement adaptée aux besoins de la personne concernée. En cas de doute, il est recommandé de consulter un professionnel du droit pour obtenir un accompagnement sur mesure.