Beaucoup d’aidants familiaux sont obligés d’abandonner leur emploi pour pouvoir s’occuper à plein temps de la personne qu’ils aident. Parfois la situation évolue, le proche est placé en établissement spécialisé, il n’a plus besoin d’accompagnement ou il est décédé et la question de reprendre une activité professionnelle peut se poser un jour.
Prendre conscience de tout ce que vous avez acquis
Les aidants n’indiquent généralement pas cette expérience d’aide auprès d’un proche dans leur CV. Trop privée, trop stigmatisante, trop risquée. Pourtant, de la gestion de crise à la résistance au stress, leurs qualités pourraient intéresser nombre d’entreprises – si les employeurs se laissaient convaincre. Si les discussions commencent à s’ouvrir, il reste encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir valoriser cette expérience au même niveau que le “bénévolat”, par exemple. Pour l’instant, c’est aux aidants eux-mêmes de faire bouger les lignes. Et d’oser revendiquer ce qu’ils ont appris durant ces longues années à prendre soin d’une personne fragilisée…
“Pour les aidants, il est naturel et spontané de faire ce qu’ils ont fait. Ils ne calibrent pas ce dont ils sont capables de plus par rapport à une personne qui n’a pas eu cette expérience, explique Claudie Kulak, fondatrice de l’association La Compagnie des Aidants et ancienne aidante elle-même. Souvent, l’aidant n’imagine pas tout ce qu’il a appris à faire en accompagnant son proche malade ou en situation de handicap.”
Obtenir une certification pour valider ses compétences d’aidant
Afin de les aider à prendre conscience de leur valeur, La Compagnie des Aidants a mis en place une formation avec des modules adaptés à la maladie ou au handicap de l’aidé, sous forme de parcours (ex : “comprendre l’AVC”, “gérer la culpabilité”). À terme, on a la possibilité d’obtenir une attestation qui témoigne de l’acquisition de compétences d’aidant. “Il n’y a pas de VAE, pas de certification officielle, il n’y a rien du tout sur ce sujet-là qui mette en valeur ce que les aidants apprennent, c’est pour ça que nous l’avons mis en place”, explique Claudie Kulak, fondatrice de l’association. La formation est gratuite, en ligne et tout le monde, peut y avoir accès. Même si elle n’est pas encore certifiée, l’attestation de fin de formation montre à l’aidant de quoi il est capable et comment le mettre en avant pour se différencier des autres candidats qui ne sont pas aidants.
Faire un bilan de compétence
En dehors des aptitudes acquises au cours de votre parcours d’aidant, avant de vous lancer dans les recherches, un bilan de compétence peut vous aider à faire le point sur votre savoir-faire, vos envies et vos motivations afin de définir ou confirmer votre projet professionnel. Un bilan de compétence est divisé en trois étapes :
L'analyse de vos envies et vos besoins
Confirmer votre orientation professionnelle ou en définir une plus adaptée à vos nouvelles perspectives de vie
Connaître les compétences nécessaires à votre projet, celles que vous avez, celles qu’il faudrait encore acquérir et les prochaines étapes pour votre recherche
Comment obtenir un bilan de compétence ? Si vous êtes demandeur d’emploi, vous pouvez faire la demande auprès de Pôle emploi, l’APEC ou encore Cap emploi.
Les compétences de l’aidant qui valorisent la candidature
L’expérience d’accompagnement d’une personne dépendante a de nombreuses problématiques communes à la vie professionnelle. Elle apporte aussi bien ce qu’on appelle aujourd’hui des “soft skills” (compétences en plus, non liées à un métier en particulier) que des “hard skills” (compétences techniques). Autant de cordes à son arc, qui peuvent valoriser une candidature et pas seulement dans le domaine médico-social, l’important étant de les identifier, les mentionner et les mettre en valeur correctement sur le CV et face au recruteur. “Je conseille toujours de faire une liste de réalisations professionnelles, mais aussi personnelles (ce qui inclus dans ce cas l’aide apportée à son proche). Ensuite, on pioche celles qui correspondent au poste visé en y ajoutant un exemple précis”, suggère Karine Triouillier, coach en développement de carrière.
Voici quelques exemples :
Compétences psychologiques
L’empathie : grande capacité d’écoute et d’attention
La résilience : voir et accompagner un proche malade ou en perte d’autonomie étant une expérience difficile, avoir vécu cette épreuve montre la force du mental
Savoir soutenir les autres : être aidant, c’est aussi réconforter et rassurer son proche quand il en a besoin
L’adaptabilité : il faut savoir rebondir et agir rapidement aux changements d’humeur de son proche, aux rendez-vous santé qui s’annulent et se déplacent, etc.
Compétences administratives et financières
Comptabilité : gestion de l’argent ou du budget d’un tiers
Gestion des démarches administratives
Recherche de fonds : faire les différentes demandes pour obtenir les aides auxquelles notre proche a droit.
Compétences managériales
Donner des directives : un aidant doit savoir donner des directives aux aides à domicile tout en étant dans une posture d’accompagnement et non autoritaire
Coordination et gestion de personnel : infirmière, kiné, aide à domicile, livreur, prestataire... l’accompagnement au quotidien demande de savoir gérer plusieurs types de personnes, leur planning, leurs absences, leurs salaires, leurs congés payés aussi parfois
Coaching : un aidant est un soutien moral, physique et logistique qui permet à son proche à de tenir psychologiquement et gagner au maximum de son autonomie.
Compétences médico-sociales
Aide au déplacement
Toilette d’une personne malade ou en situation de handicap
Stimulation musculaire, orthophonique, créative et intellectuelle...
Compétences juridiques
Signature de contrat : des connaissances acquises grâce à la gestion des prestataires et professionnelles de santé employés pour le proche
Connaissances juridiques suite à une gestion de tutelle ou curatelle.
Aidant d’un proche ne signifie pas qu’on peut aider tout le monde
Franck Guichet, sociologue, travaille notamment pour des associations d’aide et de soutien aux aidants. Il a fondé le bureau d’études EmiCité, spécialisé dans les projets innovants pour l’accompagnement des personnes vulnérables.
“Que les aidants familiaux puissent se professionnaliser en devenant auxiliaire de vie, notamment par le biais de la VAE, me semble risqué. D’abord pour eux-mêmes : rappelons que le métier d’auxiliaire de vie est difficile, qu’il y a une forte pénibilité, de nombreux accidents et que les rémunérations sont très faibles… Ensuite pour les personnes aidées : ce n’est pas parce qu’on a été aidant pour l’un de ses proches qu’on peut l’être pour tout le monde. Il y a de multiples précautions à prendre dans la relation d’aide, une réflexion à avoir sur sa posture et pour tout cela, la formation à l'aide à la personne est indispensable.
En revanche, je suis convaincu de l’intérêt de mettre en valeur leur expérience dans l’entreprise. Les aidants ont acquis un potentiel, dont on ne sait pas encore bien comment le valoriser. Ils sont par exemple amenés à reconsidérer l’ordre de ce qui compte : la qualité des relations avec l’entourage prend une importance qu’elle n’avait pas toujours avant, de même que la recherche d’enjeux plus humains et la quête de sens dans le travail. D’ailleurs, beaucoup d’aidants expriment leur volonté de travailler dans le social ou la santé, de pouvoir contribuer davantage au bien-être.”
Aujourd’hui, reconnaissons que l’expérience de l’aidant apparaît noyée dans le quotidien, comme une suite d’actes ordinaires dont on ne parle pas. Mais toutes ces petites attentions peuvent prendre une importance extraordinaire pour la personne aidée. Si l’on veut construire une société plus humaine, bienveillante et inclusive, les aidants sont certainement des acteurs importants de ce changement.